dimanche, mai 21, 2006

Expatrié

Je suis un expatrié de la guerre, ce beau pays le Liban est happé en 1975 par un vent de folie, comme une tempête de sable qui aveugle tout et tout le monde, les hommes se tuent et s'entretuent, les massacres les horreurs la terreur.
Tout cela était incompréhensible pour moi, à 17 ans. Je ne comprenais pas comment des hommes qui me paraissaient doués d'intelligence, pouvaient en arriver là. J'ai perdu des amis de classe tués sauvagement, j'ai tenu un an dans cet enfer de larmes de sang et de folie.
En 1976 je perds en Mai un cousin de mon age que j'aimais beaucoup, j'ai perdu en trois semaines 12 Kg et toutes mes illusions sur la capacité des hommes aveugles et assoiffés de pouvoir d'arrêter cette sale guerre.

Alors j'ai décidé de partir, m'éloigner de cet enfer où l'homme n'avait plus de place, où ce qu'on appelle humanité vivait dans des bas fonds tapis dans l'ombre de la terreur et de la vengeance. Pas une famille ne fut épargnée, tous y ont laissé quelque chose.

Cette année en septembre cela fera 30 ans que je suis expatrié, pourtant je continue à aimer ce pays.

Voilà le récit de mon départ que j'ai écrit il n'y a pas longtemps :




Dans ce maudit bateau j’ai posé les pieds
Pourtant il était ma délivrance,
De toutes mes incompréhensions,
De toutes mes souffrances,

J’ai choisi de laisser derrière moi

La haine et la bêtise humaine,
J’ai choisi sans choisir

Juste pressé de fuir,

L’abjecte, et ce que l’homme
Montre qu’il a, de pire.

Je monte dans ce bateau,

Sans avoir dit adieu,

Le bateau s’éloigne et
quitte le rivage,

Bientôt les lumières de la côte se font moins denses,

Et entament leur dernière danse,
Je m’approche de la balustrade

Je regarde mon enfance me quitter
Mon histoire s’effacer,

Pendant que s’estompe le bruit des armes,

Sur mes joues coulent les larmes,
Elles tombent dans la mer
Qui n’en a que faire,

Quelques gouttes de plus,

Ne changeront rien à son goût salé

Ne changeront rien à ce moment amer
Se noient dans son immensité

Perdus à jamais.

Alors quand mes larmes se sont taries

Quand je n’en trouvais plus

Fatigué, épuisé je n’étais même pas soulagé,

Les heures ont passé

J’ai vu le jour se lever

J’arrivais devant ma nouvelle destinée.

20 commentaires:

Photos et Mots a dit…

Merci Fred, pour tes mots, c'est peu
dire qu'ils me touchent, c'est même banal car c'est plus que ça.

Tu sais aussi que c'est réciproque...
Je n'en dirais pas plus car (je ne sais pas qui l'a dit mais je pense que c'est gibran) les mots sont une cage pour nos pensées.

Anonyme a dit…

Il est poignant ton texte. Tu as l'air tellement "sage" (dans le sens "philosophe" du mot). Ca n'a pas du être facile à surmonter tout ça. En fait je n'imagine même pas ce que peut etre la guerre. Je ne l'ai "cotoyée" qu'un fois et ce de facon tres tres tres indirecte. C'était en croatie où en parlant avec un mec de mon age qui faisait le "bateau taxi" aux touristes, il me racontait qu'il avait fait la guerre. Ca m'a fait un choc en fait de savoir que ce type de mon age avait combattu juste parce qu'il etait là dans son pays à ce moment de son histoire.
Quand j'ai fait l'armée, jamais, pas une seule seconde je ne me suis "imaginé" la guerre. Même en faisant les manoeuvres ou en s'entrainant au tir.

Mais voir ce type mener son bateau et sachant ce qu'il a pu vivre m'a bien plus interpellé. Je ne saurais expliquer pourquoi. Donc comme le dit justement Fred, on ne mesure pas la chance que nous pouvons avoir en France.

Photos et Mots a dit…

Oui Boual,

c'est difficile de savoir ce que vivent les autres tant qu'on ne l'a pas vécu, cela semble lointain, presque une histoire ou un film, c'est ainsi pour nous tous face aux événements, mais c'est aussi une façon de se protéger car on ne peut pas porter le malheur du monde sur ses épaules.
Par contre il est important de se rappeler que cela peut arriver n'importe quand et n'importe où, même ici.

Anonyme a dit…

J'ai votre âge et cette guerre du Liban a habité ma jeunesse, tout comme les récits de la guerre d'Algérie ont habité mon enfance, puisque mon père a été appelé là-bas.

Il y avait ces images quotidiennes à la télévision, ces articles dans les journaux.Tout était pour moi d'une incompréhension totale et les médias faisaient tout pout, comme d'habitude: les milices chrétiennes, les Palestiniens, les Syriens, les Israëliens... On alignait les mots, les communautés , les factions politiques mais on n'expliquait rien, bien évidemment! En revanche les images choc, gamins écrasés sous les gravats, cadavres filmés sans pudeur se multipliaient, femmes en pleurs, hurlant à la mort... On voyait tout impudiquement, on "savait" qu'il y avait une guerre meurtrière, mais on ne comprenait rien.

C'est avec la guerre du Liban que mes compatriotes se sont "habitués" aux images de guerre, sans plus d'émotion que cela (je veux dire à la proportion de ce qu'ils auraient ressenti si cette guerre civile avait eu lieu chez eux!).

Il me reste une image saisissante qui m'a fait "toucher" cette guerre car comment ressentir la guerre quand on ne la vit pas chez soi? Je me souviens un été, en ouvrant le journal, alors que les combats faisaient rage dans une partie de Beyrouth, avoir vu une image montrant des Libanais à la plage: comme une plage en Méditerranée, chez nous à Nice ou à Antibes. Comme si tout était normal. Ce contraste était incroyable mais terriblement humain au fond.Il disait à sa très juste proportion, dans cette scène estivale d'insouciance, l'horreur derrière, un peu plus loin que la plage...Pas de manichéisme stupide. Des nuances essentielles, palpables.

Se remet-on d'un exil, je ne sais. Un auteur fameux dit qu'on est de son enfance comme on est d'un pays. Mais comment faire quand son enfance est ce pays-même?

Votre texte sur l'exil a été écrit il n'y a pas très longtemps, dites-vous. Avez-vous tenté de retrouver au plus près vos émotions d'alors? Vous aviez 17 ans... Aviez-vous tout cela en tête?

Non, les mots ne sont pas une cage pour nos pensées. Ils sont tout au contraire l'expression des non-dits, des secrets. Il faut juste ne pas tricher avec les mots.

Non, il ne faut dire que nous avons de la chance dans notre pays. La grand-mère de ma fille a été déportée à Ravensbrück, triangle rouge , arrêtée et déportée par la police française. Mon père a été appelé à 20 ans à la guerre d'Algérie, alors qu'il avait un enfant. On ne lui a pas demandé son avis. Il y a perdu des amis.

Nous ne sommes à l'abri de rien. Nous n'avons justement que les mots pour nous battre, dénoncer et résister.

Il faut aussi continuer à vivre avec les blessures, ne rien oublier, mais continuer et dépasser tout.
Ma fille parle couramment l'allemand et sa grand-mère l'y a encouragé. Elle apprend aussi l'arabe et c'est une façon comme une autre de contrer les a priori qui mènent au pire...Pour éviter tous les exils.

Merci de votre témoignage.

Anonyme a dit…

Je n'ai rien à dire de plus, l'émotion m'a étreinte à la lecture de ce texte si poignant. Comme Alex, je venais d'un coeur léger saluer l'arrivée de ce nouveau blog, et je repars la tête pleine de questions.

Ph a dit…

Je viens de lire ce deuxième texte (est-ce celui que tu m'avais envoyé un temps ?), il est très beau et justifie ce que je dis dans mon message sur le premier post !

Fred, je rejoins l'avis de Merbel, moi j'ai eu de la chance, mais je connais de très, même très très, des français qui ont vécu ce genre de drame : le viet nam, l'algérie, l'afrique, le liban comme Gto, etc. !

Et d'autres drames plus intimes, moins "historiques" qui font que nous sommes (presque) tous des déracinés d'une attache !

Photos et Mots a dit…

Merbel,

Merci pour votre intervention, et je suis ravi des échanges qui s'instaurent.
Le journalisme, surtout télévisuelle, cherche le sensationnel et n'a jamais vraiment informé, au contraire.
Les gens se protègent comme ils peuvent contre les horreurs qu'ils subissent, c'est une caractéristique de l'être humain, moi je disais à des amis pendant la guerre du Liban que je pouvais les emmener les yeux bandés au Liban les déposer sur une plage et ils ne sauront pas où ils sont.

Pour les émotions que j'écris, aujourd'hui, ils font partie de moi même, de mon histoire, jamais oubliées juste posées dans un des tiroirs de ma mémoire, un jour ils sont sortis sans haine, j'ai écris en cinq minutes ce qui a attendu 30ans au fond de moi.

Quand je dis que les mots sont une cage, c'est dans le sens qu'elles n'expriment pas toujours avec autant de justesse et de force nos vrais sentiments. Je suis d'accord avec toi les mots restent un témoignage, une libération.....

Les guerres ne servent qu'une minorité, ceux qui la pensent et la décident.
Les souffrances des guerres sont universelles et inutiles. C'est l'être humain qui la subit qui en paye uniquement le prix fort.

Je n'ai pas de haine, aujourd'hui, j'ai mis un temps à panser mes blessures béantes, à évacuer mes cauchemars, et je n'ai pas envie d'entretenir de la haine vis à vis des autres.

Un grand merci à toi aussi de partager, c'est peut être ces échanges qui sont un moyen de faire face et de contrer la barbarie, le racisme ......

Photos et Mots a dit…

Alex, Biscotte

Je ne voulais pas vous couper dans votre élan, vous pouvez sortir la fanfare et moi le champagne.


Je n'écris pas avec tristesse, c'est juste un témoignage, pour se rappeler que nos conditions "confortables" sont fragiles. Mais il y a tant de belles choses aussi, car la contre partie de ça c'est ce que je suis devenu moi "grâce" à cette guerre.

Oui on peut se poser des questions, et on peut aussi se dire qu'on doit profiter de la vie avec respect car la vie est belle.

Merci à vous deux.

Photos et Mots a dit…

Oui Philtre c'est le texte que je t'avais envoyé il y un temps.

Les souffrances de la guerres sont universelles, elle obeissent malheureusement aux mêmes lois quelque soit la guerre, le lieu, la population.

Ceux qui en tirent profit sont peu nombreux, et ceux qui en payent le prix fort restent silencieux....

Photos et Mots a dit…

Merci Fred,

d'avoir mis les liens et je ne veux pas abuser (rire) il me manque l'horloge je la voudrai jaune...

Photos et Mots a dit…

Alors là Fred,
c'est du service express, Merci
la couleur me va (rire)

Photos et Mots a dit…

ah mince je n'avais pas vu ton message,je t'ai mis une autre horloge...

jaune tu confirmes?

Photos et Mots a dit…

Fred tu écris sous mon pseudo, tu m'embrouilles (hi hi hi)

Non fred tu laisses c'est parfait et encore merci

Anonyme a dit…

J'ai cru que je devenais barge à un moment mais j'ai compris Fred aime se travestir en GTO : y a pire comme choix ;)

Bonne journée !

Photos et Mots a dit…

Je pense que c'est parceque j'ai plus de poils que lui qu'il a voulu se travestir en moi, en plus il a continué sur son blog.........

Anonyme a dit…

savons nous la chance,nous jeunes français,que nous avons de pas avoir vécu ce genre de drame qui sont les drames de toute ue vie?

Personnellement moi oui.
Ma grand-mère a dû fuir son pays aussi (l'Italie) à cause de la guerre et de la misère et il ne se passe pas un jour sans qu'elle ne me rappelle la chance que j'ai de vivre ici et je suis bien d'accord avec elle malgré tout...
Magnifique texte au passage et empreint de sagesse comme le fait remarquer Chou.
Contente que tu aies enfin ton blog mon GTO, je t'embrasse ;)

Photos et Mots a dit…

Bonjour ma petite ann,

je suis content de ton passage ici, il me manquait.

Anonyme a dit…

Bisous mon GTO ;)

Anonyme a dit…

Greets to the webmaster of this wonderful site! Keep up the good work. Thanks.
»

Anonyme a dit…

I'm impressed with your site, very nice graphics!
»